Pyrénées Orientales | Font d’Estramar | – 308 m ! L’histoire d’un record mondial
Nouveau record mondial d’exploration en plongée souterraine ! Au cours d’une plongée de 7h dans la Font d’Estramar des Pyrénées Orientales, le marseillais Frédéric Swierczynski a atteint l’ahurissante profondeur de -308m !
L’objectif depuis le mois de mai était de continuer mon exploration dans le 3ème siphon de la Mescla à -267 m. Après plus d’une dizaine de plongées de mise au point entre 200 et 260 mètres en 6 mois, il était temps de se mettre à l’eau pour tirer du fil…
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Les rares images du fond…
© Fred Swierczynski
Le plongeur Frédéric Swierczynski est descendu à une profondeur de 308 mètres sous la terre, depuis la résurgence de Font Estramar, près de Perpignan. Il nous raconte son exploit.
Il a battu le record du monde de plongée souterraine, vendredi 3 novembre, dans la résurgence de Font Estramar, célèbre site submergé situé au nord de Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales, après sept heures d’une expédition historique. Le spéléonaute et explorateur Frédéric Swierczynski a atteint la profondeur de -308 mètres sous l’eau.
Frédéric Swierczynski bat le record du monde à Font Estramar
Personne n’était descendu aussi loin dans les entrailles sous-marines de la Terre avant lui. Le Marseillais repousse la marque établie par Xavier Méniscus, en 2019, déjà à Font Estramar (- 286 mètres). Quelques jours après son exploit, le plongeur de l’extrême s’est confié à Actu Perpignan. Il raconte son incroyable aventure.
Actu : Frédéric, qu’est-ce qui vous a emmené vers cette nouvelle expédition à Font Estramar ?
Frédéric Swierczynski : Cela fait plus de vingt ans que je connais ce site. Font Estramar est le seul endroit où l’on peut aller plonger avec la météo actuelle. Il n’y a pas de crue et l’eau est claire. Pour moi, c’est surtout une copie des conditions de température et de profondeur d’un autre site sur lequel je plonge dans les Alpes-Maritimes, qui s’appelle la Mescla, mon site de cœur, et où je me prépare pour continuer une exploration. J’ai aussi des amis catalans avec qui je passe du temps et avec qui j’aime plonger.
Une telle exploration demande justement des moyens. Combien de personnes étaient présentes avec vous à Font Estramar ?
F.S. : Il y avait une délégation d’une dizaine de personnes, des gens que je côtoie et qui sont totalement préparés à ce genre d’exploration. Ce sont des gens qui font partie du domaine médical, qui connaissent tout ce qui est en rapport avec la décompression, qui ont déjà suivi d’anciens records du monde, pas uniquement sur Font Estramar mais aussi en mer. Il y a une vraie expérience sur l’équipe de soutien qui était présente lors de la plongée.
« J’ai suivi mes sensations et mon plaisir »

Le profil de la plongée.
© Fred Swierczynski
Aviez-vous l’intention de faire tomber le record du monde de plongée souterraine ?
F.S. : Ça ne s’est pas du tout passé comme ça. Je n’étais pas parti pour aller chercher les 300 mètres. Je connaissais le site jusqu’à 260 mètres. Je souhaitais continuer dans la zone des -270 mètres, et me mettre à l’aise avec ma toute nouvelle configuration de matériel. L’idée était de tester ça en situation réelle. Tout se passe par rapport au feeling, aux sensations. C’était le bon moment, j’étais très bien physiquement.
« C’est vraiment majestueux »
Racontez-nous…
F.S. : Déjà, il n’y avait pas du tout de fil installé à partir de 260 mètres, on a dû installer une ligne, puis j’ai glissé vers le fond, à la sensation. Cette zone inconnue m’était offerte, j’étais super bien, dans de bonnes conditions. J’ai glissé doucement, puis à un moment je me suis quand même rendu compte que j’avais plus de 400 minutes de décompression, de temps retour. Donc j’ai décidé de rentrer et j’ai fait demi-tour, avec un premier palier obligatoire à -120 mètres. C’est là que des plongeurs de soutien sont arrivés. Je me suis posé, j’ai regardé mes instruments de mesure. Et là, surprise, je me suis rendu compte que j’avais fait -308 mètres. Mais je n’avais pas souffert, c’est vraiment la contrainte du temps retour qui m’a obligé à rentrer.
De quoi peut-on souffrir à une telle profondeur ?
F.S. : Il peut y avoir des effets de narcose (l’ivresse des profondeurs, NDLR), qu’on arrive à limiter avec l’entraînement. On peut avoir des oppressions, des tremblements très importants, des troubles de la vision. On peut avoir des problèmes respiratoires. Mais vendredi, ce n’était pas du tout le cas. J’ai suivi mes sensations et mon plaisir.
« J’ai la chance d’être parmi les derniers explorateurs »
Une question nous brûle les lèvres : à quoi ressemble Font Estramar, 300 mètres sous la surface ?
F.S. : Plus on va profond, et plus la roche est claire. À l’heure actuelle, il y a plus de 25 mètres de visibilité. On a la vue qui se perd, pas parce que nous sommes dans un brouillard, mais parce qu’il n’y a pas d’endroit faisant plus de 25 mètres de long, tout simplement. Le terminus actuel se trouve dans une salle assez grande, qui fait 20 mètres sur 15, c’est majestueux, vraiment majestueux. Il y a de tout, on peut se retrouver avec des passages très étroits, comme des passages très hauts, c’est assez impressionnant.
Que ressent-on quand on devient la première personne à découvrir un lieu ?
F.S. : Je pense que j’ai la chance d’être parmi les derniers explorateurs. C’est quand même assez merveilleux de se dire ça, d’être allé sur un territoire qui n’a jamais été foulé. Et puis, à Font Estramar, je retiens ces signatures qu’il y a au sol, des traces d’anciens écoulements, tous ces minéraux qui sont figés depuis des millions d’années. C’est quand même assez fou. C’est ma passion depuis l’âge de 18 ans.
« Il y a plus de morts sur les plages qu’à Font Estramar »
Font Estramar est aussi catégorisé comme un site risqué et dangereux. Plusieurs plongeurs sont morts ces dernières années là-bas…
F.S. : Moi je pense que les dangers sont les mêmes que ceux de la vie quotidienne. Le problème, c’est que si vous faites un malaise et que vous tombez sur le trottoir, ce n’est pas tout le temps grave. Si vous faites un malaise dans l’eau, vous n’en revenez pas. Je pense que c’est la première chose. Ensuite, le site de Font Estramar est dangereux, oui, mais pas plus que d’autres j’ai envie de dire. C’est le seul site qu’il y a dans la région, donc davantage de plongeurs s’y rendent. Mais ça ne change rien, au fond. Je pense qu’il y a plus de gens qui meurent sur les plages, ou en montagne, qu’à Font Estramar. Le problème, c’est que c’est l’inconnu.
La baignade et la plongée sont interdites à Font Estramar. Vous le regrettez ?
F.S. : Il est justement dommage que les Pyrénées-Orientales ne fassent pas comme d’autres départements. Quand vous allez dans le Lot, qui est la première destination en Europe, et qui draine des plongeurs de toute l’Europe et du Monde, c’est une manne économique incroyable. Le département a pris les devants, ils ont fait tout ce qu’il faut pour accueillir les plongeurs. Il est temps que les choses soient faites de la même manière à Font Estramar.
Article dans ActuPerpignan / Yoan Perié

Dans le gouffre noyé d’Harasib en Namibie.
© DR
« Une plongée souterraine de 7h
à l’ahurissante profondeur de – 308 m ! »
Le matériel pour cette profondeur.
J’ai sélectionné au fil de mes plongées toute une gamme de matériel issu des meilleurs fabricants du monde entier. Capable surtout de fonctionner et de résister aux pressions importantes des profondeurs où j’évolue (>300 m).
Isothermie
Vêtement étanche Ursuit (Finlande).
Sous-vêtement chauffant Santi (Pologne). J’en règle la chaleur fournie grâce aux batteries du DPV Seacraft.
Equilibrage
Grâce au harnais XDeep (Pologne) et à la configuration “Sidemount” de mes recycleurs, j’obtiens un trim parfait avec un minimum de lestage. Je plonge sans bouée, utilisant uniquement l’inflation du vêtement pour l’équilibrage. Si par malheur l’un de mes recycleurs venait à prendre l’eau, rendant ma pesée négative et dangereuse, il me suffirait de le décrocher et de l’abandonner sur place.
Respiration
Recycleurs
2 recycleurs à circuit fermé (Tchéquie) portés en sidemount. Je respire sur le principal (dégradé), fixé du côté gauche, tout en testant régulièrement celui de secours (redondance) sur le côté droit. Ce dernier est plus souple à la respiration en raison de la position des faux poumons, plus proches du corps. Filtres modifiés en taille autorisant chacun une durée de 7h en épuration C02.
Mélange
Mélange Trimix 4/89 (Oxygène, Hélium, Azote).
Réservoirs
Chaque recycleur comporte 2 bouteilles de 2 litres (oxygène pur et diluant) auxquelles j’ai ajouté une bouteille de 2 litres d’air comprimé à 374 bars pour le gonflage du vêtement et une autre de 2 l de diluant 4/89 (off board) pour compenser le débit trop faible des recycleurs en profondeur. En totalité 6 bouteilles.
Décompression
2 Ordinateurs (Tchéquie), algorithmes Buhlmann modifiés, indépendants et solidaires de chaque recycleur.
Propulsion
2 scooters Seacraft Ghost (Etats Unis). Pression d’épreuve >300 m. Multi-vitesse. Plus de 10 h de fonctionnement pour 30 km d’autonomie. Servent également de batterie pour le chauffage. Supportent les éclairages principaux et une console inertielle de mesure. Prévus pour fonctionner couplés, je les ai désolidarisés, gardant l’un en secours fixé derrière moi, afin de pouvoir disposer d’une main libre, en navigation.
Vision
2 éclairages principaux de 50 000 lumens chaque fixés à l’avant du scooter. J’en suis le concepteur et le fabricant avec notre marque Callisto (France).
1 frontale Phaeton (Grèce) fixée sur le casque. 10 h d’autonomie à 20W réglables pour pouvoir éclairer le champ proche, les mains lors des manœuvres de dévidoir (technique française)…
1 lampe Tillytec (Allemagne) fixée sur le bras : 2 h à 4200 lumens.
Images et mesures
Console de navigation ENC 3 Seacraft (USA). C’est une centrale inertielle qui permet d’enregistrer la position dans l’espace couplée avec un loch top comme en navigation à la voile, petite hélice permettant de relever le déplacement.
Caméra en caisson Isotta (Italie) portée sur la tête.
Divers
Plusieurs outils et sécateurs.
Harnais et bouclerie.
Palmes, matériel de secours (masque…), d’éclairage et de confort.
Décompression
Cloche individuelle installée à – 9 m. Évolutive jusqu’à – 6 m. Fixée par câbles sur le fond avec lest ou spits (pitons à expansion). Position assise, jambes dans l’eau. Fabrication maison. 4 h d’autonomie en oxygène par bouteilles en circuit ouvert.


Frédéric Swierczynski est un plongeur de l’extrême, habitué aux entrailles de la terre. Ce plongeur spéléologue de renommée internationale vient de frapper un grand coup en descendant vendredi 3 novembre à une profondeur de – 308 mètres à La Font Estramar à Salses, établissant ainsi un nouveau record du monde de plongée souterraine.
C’est là qu’il se sent le mieux. À des centaines de mètres sous terre, dans une galerie d’eau où personne n’a jamais mis le bout d’une palme. Ce vendredi 3 novembre 2023 à La Font Estramar, Frédéric Swierczynski a réalisé l’exploit de descendre à 308 mètres de profondeur sous les Corbières à Salses. Une plongée souterraine record pulvérisant les 286 mètres atteint le 30 décembre 2020, toujours à La Font Estramar, par un autre français, Xavier Méniscus. Cette fois, Frédéric Swierczynski a repoussé les limites de la plongée spéléo en franchissant la barre symbolique des 300 mètres. Lors d’un entraînement de routine, ou presque.

Fred dans ses oeuvres…
© DR

Le profil de la plongée
© FS